Isabelle Touzard est vice-présidente en charge de la transition écologique et solidaire à la Métropole de Montpellier. Elle nous présente les grandes orientations de la métropole en matière d’aménagement ainsi que les enjeux associés aux sols.
« Il faut construire une stratégie de séquestration carbone sur le territoire. »
Pouvez-vous vous présenter succinctement ?
Je suis maire de la commune de Murviel-lès-Montpellier depuis huit ans et vice-présidente à la métropole en charge de la transition écologique et solidaire. Cela comprend essentiellement le plan climat, donc son élaboration, son suivi et son amélioration avec l’ensemble des autres politiques publiques concernées. Je suis également délégué aux questions d’énergie, de biodiversité, d’agrologie et d’alimentation.
Pourquoi la métropole est-elle partenaire de ce premier salon national de l’écologie ?
Tout d’abord, car au niveau du territoire il y a deux enjeux majeurs qui ont structuré notre schéma de cohérence territoriale (SCOT) : la biodiversité et la prévention des risques naturels. Cela illustre bien à quels points ces enjeux écologiques sont forts. De plus, notre territoire méditerranéen est un hotspot de biodiversité, avec de nombreuses espèces endémiques, et des habitats d’intérêts importants avec onze Natura 2000 par exemple. La biodiversité est donc un enjeu que nous prenons de plus en plus en compte. Nous sommes une région très vulnérable, je pense aux inondations, aux submersions, aux feux de forêt, et en plus nous avons peu d’eau. Et pourtant, nous accueillons encore beaucoup de personnes. Outre la prise en compte de ces questions liées au thème du salon, la métropole est un pôle de renommée scientifique mondiale, il nous semble évident de soutenir un salon national de l’écologie.
Ces enjeux présents dans le SCOT sont-ils compatibles avec l’accueil de nouvelles personnes chaque année, et donc avec l’artificialisation des sols ?
La dynamique d’urbanisation depuis les années 1960 est difficile à freiner. Mais notre SCOT vise à diminuer énormément les surfaces d’expansions. Cela passe par redensifier l’existant, et pour cela nous sommes à un objectif de 70 %, soit au-delà des préconisations de l’état. Nous travaillons donc à construire la ville sur la ville, tout en continuant à végétaliser en créant des ilots de fraicheur. Nous ferons d’autant plus accepter aux habitants l’idée d’arrêter de s’étendre sur des terres naturelles, quand nous serons en mesure d’offrir un cadre de vie agréable dans le tissu urbain. Pour opérer cette transition, il est évident que tout est affaire de compromis. Quand nous souhaitons construire une ligne de train, il faut artificialiser des milieux, mais ces infrastructures sont nécessaires pour développer des transports collectifs. La place de la voiture à Montpellier est complètement revue avec une forte volonté d’avoir une ville où l’on circule en tramway, à pied et en vélo. La fermeture de l’avenue Clemenceau aux voitures bénéficiera aux citoyens en termes de qualité de l’air, de bruit… C’est ça qui est intéressant avec le plan climat, il montre que tout est interconnecté, autant la santé que la biodiversité.
D’autre part, les constructions de lotissements et maisons individuelles à 1000m² sont toutes à l’extérieur de Montpellier. Les nouvelles constructions en ville paraissent spectaculaires, mais le rythme de construction décroit. La perte des zones agricoles et en partie dues à l’urbanisation, mais surtout à la spéculation foncière. De nombreux propriétaires de terrains agricoles ne les louent pas à des agriculteurs et les laissent en friche en espérant les voir constructibles un jour, chose qui n’arrivera jamais, le SCOT est très clair sur ce point. Enfin, le maire met en place une agence de développement économique avec les autres intercommunalités pour reconsidérer la place des entreprises et des logements dans l’aménagement du territoire. Beaucoup de gens travaillent à Montpellier, mais vivent à l’extérieur, il faudrait qu’ils puissent davantage travailler hors de Montpellier.
Quels sont principaux rôles et activités exercées par la métropole au niveau de la filière professionnelle de l’écologie et la biodiversité?
Nous avons un accord de coopération avec le Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) qui a été défini en atelier participatif entre la métropole et les chercheurs. Il porte entre autres sur l’écologie urbaine et sur les espèces invasives. Nous avons également un soutien immobilier dans le cadre du projet de plan interrégional qui vise à créer de nouveaux bâtiments au CEFE. Nous soutenons également le monde associatif puisque nous avons des conventions avec la Ligue de protection des oiseaux (LPO) mais aussi avec le Conservatoire d’espaces naturels Occitanie (CEN) afin de travailler sur la construction de la connaissance de la biodiversité sur le territoire à travers un atlas de la biodiversité métropolitaine. Aujourd’hui, nous connaissons les trames vertes et bleues, les espaces protégés, les Natura 2000, mais cela reste parcellaire, et nous souhaitons construire une connaissance globale pour mieux connaitre les enjeux et orienter nos stratégies.
Par ailleurs, la métropole travaille en tant que maitre d’ouvrage : je pense notamment au volet renaturation, et pas forcément dans le cadre de compensation. Avec la commune de Lavérune et le syndicat de bassin versant, il a eu une volonté forte de renaturer cinq hectares le long de la Mosson. Ces prairies alluviales étaient artificialisées par une ancienne pépinière. Elles constituaient des zones d’expansion de crues historiques, mais par le passé le cours d’eau a été endigué, des merlons ont été créés pour canaliser le cours d’eau qui ne pouvait plus s’épandre comme il le faisait. Il prenait donc de la vitesse et provoquait des inondations en aval. En lien avec le syndicat des bassins versants, la commune a racheté le terrain et la métropole a soutenu le projet dans le cadre de sa compétence GEMAPI qui vise à renaturer des cours d’eau. Ils ont donc tout déblayé, recréer des prairies, un bras, des mares, revégétalisés, discerner quels arbres devaient être conservés ou enlever si les essences étaient exotiques.
Quelles sont vos principales attentes de ce salon ?
Le sol, c’est une grande inconnue alors que c’est notre avenir, car c’est grâce à lui qu’on pourra être résilient face au changement climatique sur notre territoire. Prenons l’exemple des zones agricoles, si on arrive à rendre le fonctionnement écologique des sols avec des pratiques respectueuses, cela sera une façon pour les agriculteurs de mieux résister aux sécheresses, il y aura aussi moins de ruissellement et d’inondations. Cela aidera également à séquestrer du carbone, un gros défi que nous avons dans le cadre du plan climat, puisque nous devons arriver à la neutralité carbone en 2050. Il faut construire une stratégie de séquestration carbone sur le territoire. Et pour l’instant, nous n’avons pas d’outils de financement dans les politiques publiques.
Quelle est l’action la plus emblématique dont vous êtes la plus fière ?
Certainement les 150 hectares du domaine de Viviers à Clapiers qui vont être réaménagés pour favoriser des pratiques agricoles durables et un retour de la biodiversité. Nous avons élaboré une stratégie pour reconquérir la biodiversité sur ce domaine. Nous espérons ainsi tirer des leçons de cette expérience pour montrer qu’il est possible de concilier aménagement et biodiversité.
Quel est votre rapport personnel à la nature ?
Je suis agronome de formation et fille d’agriculteur, j’ai donc une sensibilité familiale. La nature est toujours là pour nous alerter et d’un autre côté elle ressource. De temps en temps certains constats me désespèrent et de temps en temps ils me donnent de l’espoir, car la renaturation peut aller très vite.
Propos recueillis par Théo Tzélépoglou (Journaliste Scientifique – Ingénieur Écologue – Photographe)
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