Interview Kristell Astier-Cohu – Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse

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Kristell Astier-Cohu est directrice du département de la connaissance et de la planification à l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. Elle nous explique ses missions et sa collaboration avec le salon AdNatura en lien avec le thème de cette année. 

« Il y a une cohérence sur l’ensemble de tous nos projets, c’est ce qui compte vraiment. » 

Quel est le rôle de votre département au sein de l’agence de l’eau ? 

Nous suivons tous les sujets relatifs au milieu marin et aquatique, à la fois en termes de connaissances, de surveillance du milieu en application des directives européennes, notamment de la directive-cadre sur l’eau et stratégie Marine.

Nous appuyons également la recherche et le développement, mais aussi tout ce qui relève de la planification, donc de la définition des grandes orientations et des enjeux à couvrir. Je pense notamment au schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) qui est le grand document de planification à l’échelle de l’ensemble du bassin Rhône-Méditerranée, et son équivalent pour la Corse. 

Quel est le rôle de l’agence de l’eau et de votre département au niveau de la filière professionnelle, de l’écologie et de la biodiversité ? 

L’Agence de l’eau à un rôle de financeur que l’on accorde aux collectivités, notamment à celles qui s’intéressent à la préservation des milieux marins côtiers. Nous pouvons aussi financer des établissements portuaires qui ont un certain nombre d’actions en matière de restauration d’habitats sur des zones fortement dégradées. À travers notre soutien, les collectivités font ensuite appel à des bureaux d’études, à des services d’ingénierie et de travaux pour installer des solutions en matière de restauration ou de préservation des écosystèmes. 

Plus récemment, mon département est associé au développement d’un diplôme universitaire à Montpellier sur la restauration des milieux marins côtiers. L’objectif est de former les futurs gestionnaires et personnels de bureau d’étude chargés d’installer ce type de solutions sur l’ensemble de la façade méditerranéenne ou ailleurs. 

Avez-vous des exemples d’actions menées ? 

Il y a par exemple la mise en place de zones de mouillage léger pour ne pas abîmer les herbiers de posidonies, véritable poumon de la Méditerranée . Il y a aussi la restauration de ces habitats côtiers grâce à la démarche DRIVER qui sera présentée lors du salon. 

En quoi consiste cette démarche ? 

C’est une démarche qui a été engagée depuis une dizaine d’années dont l’Agence est partenaire depuis le début et qui vise à développer des connaissances, méthodes et outils pour caractériser la qualité des habitats marins côtiers. Cela permet ensuite de développer d’autres méthodes et outils pour restaurer les fonctions de ces habitats dégradés. 

C’est une démarche portée par divers partenaires qui est essentiellement une démarche de développement scientifique, mais avec une portée opérationnelle.  C’est donc un travail à la fois avec les scientifiques et avec les structures de gestion et les collectivités qui peuvent être impliquées. 

Cette démarche sur le long terme semble avoir bien fonctionné, est-ce une action emblématique dont vous êtes fière ? 

Il est difficile de faire ressortir une action en particulier. Il y a une cohérence sur l’ensemble de tous nos projets, et c’est ce qui compte vraiment. Plus particulièrement, nous sommes très attachés au soutien que nous apportons à cette démarche DRIVER parce que nous constatons que nous avons pu développer des solutions à titre expérimental, qui sont maintenant pleinement opérationnelles. Ces opérations de restauration écologique ont également créé des emplois et des entreprises. 

Vous soutenez donc des projets qui s’inscrivent vraiment dans une démarche de développement durable… 

Tout à fait, c’est ce type de démarche qui va depuis l’identification d’un problème, en l’occurrence comment faire pour redonner des fonctions écologiques à ces secteurs très aménagés sur le littoral méditerranée, jusqu’à des solutions concrètes qui bénéficient à tout le monde. 

Vous êtes partenaire du premier salon national de l’écologie AdNatura, quelles sont vos attentes dans ce salon ? 

À travers la présentation de la démarche DRIVER, l’intérêt est de porter à connaissance les actions qui sont menées et que nous soutenons et les solutions qui ont pu être développées, dans le but de favoriser leurs multiplications. Nous souhaitons donner l’envie, et des idées pour que des gestionnaires de collectivité puissent se dire qu’elles pourraient réaliser des actions de ce type.  Et puis l’intérêt du salon est d’échanger avec ce vivier d’acteurs qui met en relation les décideurs, les prescripteurs, et les entreprises qui proposent ces solutions.   

Le thème du salon de cette année porte sur les sols vivants. Ces démarches de restaurations écologiques en lien avec l’eau ne sont-elles pas de première importance pour garder des sols en bonne santé ? 

Oui, il y a une vraie cohérence par rapport au thème du salon et les habitats marins côtiers sur lesquels porte la démarche DRIVER par exemple. Plus généralement, l’agence de l’eau a pour mission historique d’accompagner la préservation et l’amélioration de la qualité des eaux marines, de rivières, des nappes, des plans d’eau, et des lagunes. Nous pouvons donc soutenir des démarches pour renaturaliser des sols artificialisés, en remettant des espaces naturels végétalisés. C’est ce qu’on fait certaines collectivités dans leurs cours d’école. Cela favorise l’infiltration vers les nappes phréatiques. 

D’autre part, dans une démarche d’évitement, nous accompagnons les collectivités pour déconnecter la récupération des eaux de pluie du système d’assainissement pour éviter l’engorgement des réseaux. Cela permet également de favoriser l’infiltration de ces eaux à la source. 

Comment choisit-on les grandes orientations qui touchent à l’eau dans ce contexte de changement climatique et d’artificialisation des sols  ? 

Justement à travers le développement de villes perméables. Il y a aussi un enjeu lié à la biodiversité en recréant des îlots de verdure, ce qui limite les grosses chaleurs. En outre, l’agence de l’eau mène aussi une étude prospective sur l’évolution des débits du Rhône sous l’effet du changement climatique dans le but de savoir comment s’adapter et concilier les usages, la qualité et la quantité d’eau. 

Il y a aussi la concertation multiacteurs. Sur certains territoires, il existe des commissions locales de l’eau, qui vont associer des représentants d’élus, d’usagers économiques, agricoles, industriels, et des usagers non économiques ; pêcheurs, associations de protection de la nature et des consommateurs. Ils vont définir des schémas d’aménagement et de gestion des eaux, soit des documents de planification à une échelle territoriale relativement fine au niveau des bassins versants. L’objectif est de préserver la qualité des milieux et assurer une gestion équilibrée de la ressource entre l’ensemble des usages dans le temps. 

Comment en êtes-vous arrivée à ce poste et quel est votre rapport à la nature ? 

J’ai toujours été intéressé par les sujets liés à la préservation de l’environnement et de la nature. Je ne suis pas une citadine à l’origine, j’ai besoin de nature et d’espace autour de moi pour me sentir bien. C’est cette sensibilité qui m’a conduit vers ce type de poste. Lorsque je vois certains milieux restaurés ou d’autres dégradés, cela me motive à continuer mon travail. 

Propos recueillis par Théo Tzélépoglou (Journaliste Scientifique – Ingénieur Écologue – Photographe)
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